The Canyons : 3 questions au réalisateur Paul Schrader [INTERVIEW]

January 7, 2020 Off By HotelSalesCareers

Figure du Nouvel Hollywood, scénariste mythique de Martin Scorsese, réalisateur d'”American Gigolo” ou le méconnu “Blue Collar”, Paul Schrader revient derrière la caméra pour le sulfureux “The Canyons”.

© Recidive Films

 

Paul Schrader est une figure du Nouvel Hollywood, un scénariste mythique notamment du fait de sa collaboration avec Martin Scorsese (Taxi Driver, Raging Bull…). Il est également le réalisateur de plusieurs longs métrages dont American Gigolo ou le méconnu Blue Collar. Son dernier en date, le sulfureux The Canyons avec Lindsay Lohan et l’acteur porno James Deen en têtes d’affiche, sort en salles ce mercredi 19 mars.

 

Pourquoi commencez-vous “The Canyons” par plusieurs plans de cinémas vides ou détruits ?

-Ces images de cinéma vides ont à voir avec les personnages du film. Ils participent tous à la production d’un film – James Deen interprète un producteur et Lindsay Lohan une actrice – dont ils n’ont pas grand-chose à faire en réalité. The Canyons est un film « post-empire », qui marque le déclin de l’Empire américain tel que nous avons pu le connaître. Pour cela, nous avions un micro-budget (150 000 dollars). Nous avons mis de notre propre argent Bret Easton Ellis et moi pour pouvoir le faire. Nous avons également financé le film grâce aux médias sociaux, en récoltant près de 80 000 dollars sur Kickstarter. En fait, tout le projet était centré autour des médias sociaux. Nous avons trouvé une partie du casting par Twitter et Facebook, nous voulions assurer la promotion via les médias sociaux et au départ même le distribuer uniquement sur les médias sociaux. Le film sort en salles ici en France, et c’est très bien, mais ce n’était pas l’objectif initial du projet. Pour nous, Bret Easton Ellis et moi, il s’agissait d’un film destiné à Internet.

C’est aussi la raison pour laquelle j’ai placé ces images de cinémas vides au début et à la fin du film, et comme marqueur de chaque chapitre de l’histoire. L’idée que des gens paient pour entrer dans une salle ou des images sont projetées sur une toile, c’est un dispostif du 20ème siècle. La seule raison d’être des salles étaient qu’il fallait monétiser le médium cinéma. Mais aujourd’hui personne n’a vraiment envie de voir un film au milieu d’inconnus et d’être assis dans des fauteuils pas toujours confortables. Je n’y crois pas. En tout cas, ce n’est pas le futur.

Nous allons vers autre chose et de manière rapide, j’ai la sensation qu’il y a eu plus de changement dans la manière de voir les films dans les dix dernières années que dans les cent dernières. Quand j’ai commencé, mes tournages duraient 55 jours, maintenant c’est une trentaine. L’économie joue un rôle, avec des budgets réduits, mais aussi l’évolution de la technologie qui nous permet de tourner vite et à qualité égale. Nous pourrons bientôt voir des films sur nos lunettes ou alors dans un environnement totalement immersif en 3D. Et puis, même la notion de ce qu’est un film a évolué. La durée d’une 1h30 à 2h correspondait à aussi à des contraintes économiques en permettant de multiplier les séances dans une journée. Pour moi, Breaking Bad est un film d’une trentaine d’heures, tout comme une vidéo de 3 minutes sur YouTube peut également être qualifiée de film.

© AD PR

Les livres et les masterclass donnant des méthodes d’écriture de scénario se multiplient, avec John Truby ou Robert McKee comme références, que pensez-vous  de ce phénomène ?

-Ecrire un scénario, c’est le prolongement d’une tradition orale. L’écriture en tant que telle est d’après moi la dernière étape du processus. Je raconte mes idées de script à mes proches, mon producteur, mes collaborateurs, ou aux gens que je peux croiser. Vous sentez très bien quand vous les perdez et alors il faut changer votre histoire en fonction jusqu’à ce qu’ils sont en éveil du début à la fin de votre récit. Et là seulement vous pouvez vous mettre à la rédaction de votre scénario.

Donc pour moi il n’y a pas de règles ou de méthodes à suivre pour écrire un script. Le seul point à garder en tête est de renoncer à bien structurer votre histoire. Nous vivons dans un monde tellement difracté que c’est illusoire de vouloir l’ordonner. De même pour les personnages, leur essence vient de leur contradiction, de la différence entre ce qu’ils disent et ce qu’ils font.

Non vraiment, ce qui compte dans un scénario, c’est son impact. Ce qui explique peut-être que j’aime les films qui me provoquent et que je fais des films qui provoquent le spectateur. J’ai commencé l’écriture comme une thérapie, et j’ai continué à un certain degré. Taxi Driver, c’est l’état de crise d’un jeune homme. Light Sleeper, c’est l’état de crise d’un homme d’âge mûr, et maintenant les films que je fais sont ceux d’un homme qui va mourir.

Quel est votre réalisateur ou votre film français préféré ?

-Pickpocket est le film qui m’a poussé à faire du cinéma. Avant de le voir, j’aimais le cinéma, mais je ne pensais pas avoir les qualités pour devenir un réalisateur, je voulais devenir critique. J’ai vu Pickpocket, je l’ai revu et revu, et là je me suis dit que je pouvais devenir un réalisateur. Dans ce film, il y a ce type dans une chambre qui écrit son journal intime, il va dehors voler quelque chose, et il revient dans sa chambre pour écrire à nouveau dans son journal. Ce film raconte la trajectoire d’une âme, comment un homme trouve son âme, cela m’a parlé. Je me suis dit que moi aussi je pouvais faire un film. Et deux ans plus tard, j’écrivais Taxi Driver.

Propos recueillis par Nicolas Journet

La bande annonce de “The Canyons”

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