“Le nouveau président tunisien n’osera pas remettre en cause les droits des femmes”, estime l’avocate féministe Bochra Belhaj Hmida
Bochra Belhaj Hmida, “Bochra” comme on l’appelle souvent, ne laisse personne indifférent en Tunisie. Cette figure de la gauche se sait menacée, mais refuse les protections policières proposées. Elle est de tous les combats pour les droits des femmes. Elue députée en 2014, elle a ainsi présidé la Commission des libertés individuelles et de l’égalité (Colibe) qui a remis en 2018 un rapport proposant toute une série de mesures, parmi lesquelles l’instauration de l’égalité homme-femme pour l’héritage. Le débat a été très vif. Et le projet reste pour l’instant enlisé au Parlement. Avant les législatives, Bochra avait annoncé qu’elle quittait la vie politique “sans regret”. Franceinfo Afrique l’a rencontrée juste après l’élection à la présidence tunisienne du conservateur Kaïs Saïed.Franceinfo Afrique : Vous dites que vous quittez la politique “sans regret”. Vous êtes vraiment sans regret ?Bochra Belhaj Hmida : Sans regret ! Pour autant, je continue à m’y intéresser, mais sans exercer de responsabilités. Je constate que le système politique n’a pas su répondre à la jeunesse, à sa colère. Donc je veux jouer à la mauvaise conscience chez les progressistes qui, eux non plus, n’ont pas su être à l’écoute des jeunes générations. On n’a pas compris que l’on ne peut plus gérer le pays comme à l’époque de l’indépendance (en 1956, NDLR).Il faut voir que les jeunes n’ont pas connu la répression, ils n’ont donc pas les mêmes références que nous. Les jeunes intellectuels, par exemple, expliquent qu’ils n’ont pas envie de juger leurs amis en fonction de leurs positions politiques. Ils nous expliquent : “Vous, les vieilles générations, vous ne vous êtes pas occupées des questions importantes comme la corruption, l’écologie… Vous avez préféré régler vos comptes.” En disant ceci, je pense notamment à ceux qui s’intéressent à Kaïs Saïed. Une constatation s’impose, alors que la révolution de 2011 a été portée par des jeunes, moins de 15% d’entre eux ont voté aux récentes législatives.Alors, pour revenir à votre question, je suis politique, je parle politique, je fais de la politique. Mais librement, sans aucun lien.Comment voyez-vous la situation des femmes aujourd’hui en Tunisie ?Les droits et acquis des femmes ne sont plus menacés aujourd’hui, comme ils l’étaient au début de la révolution et ce jusqu’à la proclamation de la Constitution en 2014. Aujourd’hui, aucun homme politique n’oserait y toucher de peur de perdre les voix des femmes. Béji (Caïd Essebsi, l’ancien président, NDLR) le disait tout le temps (il se vantait d’avoir été porté au pouvoir en 2014 grâce aux électrices, NDLR). Comme j’ai eu l’occasion de le dire : nous sommes des femmes libres du conservatisme des hommes. On ne peut plus nous instrumentaliser.
Que pensez-vous de Kaïs Saïed ?Je m’intéresse aux jeunes qui sont avec lui et qui m’ont soutenue. Autour de moi, les enfants de ceux avec qui j’ai cheminé sont avec Saïed. De la vie politique de ces dernières années, ils ont retenu une classe politique corrompue qui hypothèque leur avenir. Ils pensent à une autre forme de militantisme prônant l’intégrité et passant par les urnes pour faire respecter la loi. Après, ce sera à eux d’évaluer son action ! Je trouve cela très intéressant. Que les jeunes fassent une rupture et qu’ils l’assument ! Je n’ai plus ce sentiment d’être responsable. Kaïs Saïed est considéré comme très conservateur. Vous ne pensez pas qu’avec lui, il pourrait y avoir un retour en arrière ?Je ne le pense pas. Les femmes qui ont voté pour lui refuseront. Saïed a dit qu’il était pour les droits des femmes. Et puis, en matière de droits des femmes, c’est le Parlement qui a les prérogatives, pas le président. De toute façon, Saïed a dit qu’il était pour ces droits.Vous n’êtes donc pas inquiète…Inquiète ? Pas du tout ! Je pense que si une personne ose remettre en cause les droits des femmes, vous me pardonnerez l’expression, mais elle l’aura sur la gueule ! Au final, j’ai confiance dans ce petit pays qui vit des crises et s’en sort toujours.Click Here: pinko shop cheap