Conversations avec Jimmy Page, le dieu vivant de la guitare
S’il y a bien un artiste (encore en vie) qui a fasciné les foules par son talent, imprégné la musique de sa créativité et intrigué des générations avec son aura mystique, c’est bien Jimmy Page. Le leader de Led Zeppelin se confie sur son art et sa vie dans Conversations avec Jimmy Page.
Certaines autobiographies n’en sont pas. Elles n’ont jamais été relues par leur protagoniste. D’autres sont pleines d’exagérations et laissent au lecteur le soin de discerner le vrai du faux. Conversations avec Jimmy Page, n’est ni l’une, ni l’autre. Il s’agit du recueil méthodique de 20 années de conversations entre deux hommes. Brad Tolinski, rédacteur en chef du cultissime magazine Guitar World, et Jimmy Page, dieu vivant de la musique rock. 20 années d’interviews auxquelles viennent s’ajouter quelques entretiens avec des collègues de l’artiste et deux, trois bribes de conversations piochées dans d’autres revues. Une véritable encyclopédie sur la vie du guitariste.
Jimmy Page a toujours été un artiste à part. Si son nom est à jamais associé à Led Zeppelin, l’ouvrage nous rappelle que Jimmy a commencé ailleurs. Au côté de Neil Christian, des Crusaders, avant de tomber malade et de se réfugier dans les studios d’enregistrement. Là-bas, très jeune, il parfait sa technique et emmagasine un savoir quasiment illimité sur l’aspect technique de la musique. Une étude britannique assure que l’on peut entendre le natif de la banlieue londonienne sur près de 60% des albums de rock sortis au début des années 60. Jimmy a joué de la gratte pour les enregistrements des Who, des Rolling Stones ou encore d’Eric Clapton. Il a rendu visite à Ravi Shankar des années avant que George Harrison n’aille en Inde pour apprendre l’art du sitar. Puis il y a son retour sur scène avec les Yardbirds, puis Led Zeppelin, puis une multitude de projets plus fous les uns que les autres où il démontre son obstination à faire évoluer sans cesse la musique qu’il aime. Tous ces éléments jouent un rôle essentiel dans la construction du mythe Jimmy Page.
Dans les groupes de rock, il n’est pas rare que le chanteur soit le leader. Avec Led Zeppelin, et malgré le talent hors norme de Robert Plant, Jimmy a toujours tiré les ficelles. Compositeur, arrangeur parfois même ingénieur du son, il a tout pensé. Même les pochettes de leurs albums. Chaque élément des vêtements qu’il portait sur scène était par exemple soigneusement étudié en amont des concerts. Malgré cette nécessité de tout contrôler, Jimmy, comme chaque rock star, a également une belle carrière de fêtard derrière lui. Il n’évoque que rapidement ces soirées où drogues et groupies se mélangent dans un boucan pas possible. On sent tout de même chez lui une certaine jubilation quand il se remémore cette folle soirée japonaise où une cabine téléphonique disparaît des rues de Tokyo, où le mur de ses hôtes est découpé au katana et où l’un des membres de Led Zep finit par faire de la moto dans le hall d’un hôtel. Tout ça en moins de 24 heures. Jimmy Page ne s’en cache pas, les drogues l’ont accompagné tout au long du chemin.
Conversations avec Jimmy Page aborde cependant une facette bien plus intime de l’artiste. Celle de son attrait pour l’occultisme. Les fans sont au courant mais Jimmy ne s’est jamais réellement épanché sur la question. Il répond ici sans tabou, mais parfois avec malice, aux questions de Brad Tolinski. Il parle du message gravé sur l’un de ses albums, des symboles qu’il utilisait dans les visuels du groupe ou encore de sa fascination pour le magicien britannique Aleister Crowley, mort trois ans après sa naissance et dont il a racheté l’une des demeures. La magick fait partie intégrante de sa vie. Jimmy Page porte cette ‘science’ avec lui au quotidien et, vu sa réussite, il ne s’est peut-être pas totalement égaré.
Les férus de guitare auront finalement le plaisir de découvrir toute une partie technique dans cet ouvrage. Assez vulgarisée pour ne pas déranger le lecteur profane, elle parlera forcément aux ‘techos’ de la gratte. Du type de guitare, à l’ampli préféré jusqu’aux différents effets sonores et pédales utilisées, Jimmy Page ne cache rien. Il se livre totalement et justifie parfaitement chacun de ses choix. Cette partie démontre d’ailleurs à quel point le musicien a été en avance sur son époque. Comme lorsqu’il a accepté un duo avec le rappeur P Diddy en 1998 ou choisi de sortir l’un de ses albums entièrement sur internet, bien avant la création d’iTunes. Le monde de la musique, dans son ensemble, doit énormément à cet homme. S’il a désormais l’allure d’un vieux sage avec sa belle chevelure blanche, espérons que Jimmy Page ait encore l’énergie pour quelques décennies de rock endiablé.
Conversation avec Jimmy Page de Brad Tolinski et Jimmy Page, aux éditions Ring. 400 pages
Crédits photos : 2009-©Ross Halfin