Rashômon sur Ciné+Classic : pourquoi le film d’Akira Kurosawa est-il un grand classique ?

December 4, 2019 Off By HotelSalesCareers

Rashômon de Kurosawa est diffusé ce soir sur Ciné+Classic. L’occasion de revenir sur les raisons qui font de ce film un grand classique de l’Histoire du Cinéma.

Rashômon – Sortie le 18 avril 1952
Réalisé par Akira Kurosawa avec Toshirô Mifune, Masayuki Mori, Machiko Kyô

DE QUOI ÇA PARLE ?

Kyoto, au Xe siècle. Sous le portique d’un vieux temple en ruines, Rashômon, trois hommes s’abritent de la pluie. Les guerres et les famines font rage. Pourtant un jeune moine et un vieux bûcheron sont plus terrifiés encore par le procès auquel ils viennent d’assister. Ils sont si troublés qu’ils vont obliger le troisième voyageur à écouter le récit de ce procès : celui d’un célèbre bandit accusé d’avoir violé une jeune femme et tué son mari, un samouraï.

UN FILM AVANT-GARDISTE

Rashômon a été récompensé de l’Oscar du meilleur film étranger (1953) et du Lion d’Or au Festival de Venise (1951). Le film d’Akira Kurosawa, d’une exceptionnelle modernité, a grandement contribué à populariser le cinéma japonais à travers le monde, notamment le genre Jidai Geki. Le Jidai Geki est le nom donné aux films consacrés à l’Histoire médiévale du Pays du Soleil Levant. Rashômon se situant au Xème siècle, durant l’ère Heian, il se différencie des autres productions de ce type, se déroulant surtout à l’ère Edo, entre le 17ème et 19ème siècle.

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Le légendaire réalisateur, dont le récit s’intéresse à la question de la Vérité, articule son film autour d’une même scène de crime, vue par plusieurs protagonistes différents ; ces derniers livrant leurs propres versions de ce tragique événement. Si le film a autant marqué son époque, devenant au fil du temps un grand classique, c’est notamment en raison de la modernité avec laquelle Kurosawa utilise la narration.

UNE NARRATION POST-MODERNE

Raconter une histoire de cette manière, à travers plusieurs flashbacks livrant chacun une vérité différente, est résolument avant-gardiste à l’époque de la sortie du film, au début des années 50. Cette structure a été ensuite été copiée de nombreuses fois, ouvrant la voie à une nouvelle forme de narration au cinéma. Le spectateur, habitué à croire à l’époque que tout ce que filme la caméra est forcément réel dans l’histoire, est ici amené à s’interroger sur sa propre vision des choses, sur sa manière d’appréhender ce qu’est la “réalité”.

Techniquement, Kurosawa prend des risques et tente d’apporter un nouveau souffle à la mise en scène, devenant par exemple un des pionniers de la caméra à l’épaule. Cette dernière, suivant régulièrement les personnages à travers la forêt, immerge complètement le spectateur dans cette tragique histoire de viol et de meurtre.

UN CINÉASTE MINUTIEUX

Le japonais était très méticuleux sur le tournage, tenant à ce que sa vision soit parfaitement retranscrite, allant jusqu’à travailler des heures pour que l’ombre d’une feuille soit sur la bonne partie du visage de l’acteur. Lors des scènes dans la forêt, les arbres cachaient tellement la lumière du soleil qu’il était très compliqué d’obtenir des images bien éclairées. Kurosawa et son directeur de la photographie, Kazuo Miyagawa, ont eu l’idée de réfléchir les rayons du soleil à travers des miroirs au lieu de déflecteurs en aluminium.

Placés à des endroits stratégiques entre les feuilles des arbres, les miroirs reflétaient parfaitement la lumière du soleil, créant l’atmosphère naturelle souhaitée par Kurosawa. Plus tard, Miyagawa racontera que ces effets de lumière ont été de loin les plus élaborés qu’il ait dû réaliser.

Le long-métrage comprend également plusieurs scènes à la porte de Rashômon, balayée par une pluie diluvienne. Akira Kurosawa trouvait que les gouttes de pluie n’étaient pas assez visibles à l’écran, notamment dans le décor de fond. L’équipe du film a alors eu l’idée d’inclure de l’encre noir dans la machine qui générait la pluie artificielle afin de rendre celle-ci bien plus visible. On peut notamment voir cet encre couler très distinctement sur le visage du bûcheron à la fin du film. À noter que le vent et les précipitations ont souvent été utilisés par le réalisateur pour symboliser les angoisses et souffrances des personnages.

Après Rashômon, Akira Kurosawa enchaînera avec la mise en scène d’un autre chef-d’oeuvre marquant, Les 7 Samouraïs (1954), toujours avec Toshirô Mifune dans le rôle-titre.

Les Sept Samouraïs Bande-annonce VO